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Et si on parlait de la marche sur pointe de pied ?

La plupart des enfants marcheront un peu sur la pointe des pieds à un certain moment pendant leur petite enfance.

Entre autres, les premières expériences de mise en charge autonome sur les jambes se réalisent souvent de cette façon.

À cette étape du développement, la marche sur la pointe des pieds démarque l’immaturité encore importante du contrôle postural et de la conscience du corps dans l’espace. La contraction soutenue des muscles des mollets aide l’enfant à compenser cette immaturité.

Chez un bon nombre d’enfants, la marche sur la pointe des pieds persévère bien après l’acquisition de la marche.

Pour certains, elle devient si omniprésente qu’elle représente l’unique forme de mise en charge lors des déplacements.

Bien que dans plusieurs de ces cas, il peut ne s’agir que d’une mauvaise habitude inconsciente ou d’un comportement passager sans origine précise, dans d’autres cas, cela peut représenter un problème plus complexe nécessitant une intervention.

Différentes hypothèses ont été proposées pour expliquer l’origine de la démarche sur la pointe des pieds. Plusieurs causes peuvent coexister chez certains enfants.

  • Différentes situations possibles

    • Jérémy est né avec un tendon d’Achille trop court qui ne lui permet pas de bien dérouler le pied pour déposer le talon au sol.

⇒Pour Jérémy, la marche sur la pointe des pieds est inévitable et une intervention en orthopédie sera probablement nécessaire pour corriger le problème.

    • Maxime est un enfant prématuré qui se développe plus lentement que la moyenne depuis sa naissance. Maintenant âgé de 4 ans, son contrôle postural est encore immature. On observe notamment une inégalité entre la coordination des muscles extenseurs et fléchisseurs de son tronc.

⇒Un travail en kinésithérapie autour de la maturité du contrôle musculaire de son tronc pourra aider Maxime à ne plus avoir besoin de compenser cette immaturité en allant sur la pointe des pieds.

    • Laurent a un pauvre ressenti de son corps dans l’espace. Nous ressentons la position de notre corps par des sensations proprioceptives qui proviennent de nos muscles, articulations et de nos tendons. Le système de Laurent ne traite pas bien la proprioception, à moins que le message envoyé par ses muscles soit suffisamment intense. En marchant sur la pointe des pieds, l’apport proprioceptif devient plus important au niveau du mollet et permet ainsi à Laurent de ressentir davantage ses jambes.

⇒Pour améliorer sa démarche, Laurent bénéficiera d’interventions visant le développement de sa conscience corporelle auprès d’un psychomotricien.

    • Alexia est hypotonique et hyperlaxe. Cela veut dire que ses muscles manquent de tonus et ses ligaments manquent de rigidité. Comme pour Laurent, cette condition limite la quantité de messages proprioceptifs qui peuvent être envoyés à son cerveau pour le maintien de son équilibre. Ainsi, le système d’Alexia tente de compenser ce problème en augmentant la quantité de messages en allant sur la pointe des pieds.  Les ligaments hyperlaxes peuvent aussi limiter la stabilité de la cheville. La position sur la pointe des pieds fixe la cheville dans une position plus stable. 

⇒Des activités de kinésithérapie et/ou de psychomotricité qui soutiendront le traitement sensoriel, particulièrement du système vestibulaire responsable du tonus des muscles, seront utiles à l’amélioration de la qualité des déplacements d’Alexia.

    • Raphael a un système de traitement sensoriel atypique. Ceci est fréquent dans les cas d’autisme. Entre autres, il demeure difficile pour son système de traiter plusieurs stimulus en même temps (gestion multisensorielle inefficace). Pour Raphael, ceci limite sa capacité de sentir son corps en même temps que ses émotions. C’est comme si le traitement des émotions se faisait aux dépens de celui des repères du corps. Sur la pointe des pieds, le tonus accru au niveau des jambes améliore la perception de son corps.

⇒Des interventions proposées par un psychomotricien, visant la maturité du traitement sensoriel ainsi que le décodage, la compréhension et la gestion des émotions seront utiles à Raphael.

    • Anthony n’aime pas le contact du sol sur la plante de ses pieds. Cette stimulation lui cause de l’inconfort et en marchant sur la pointe des pieds, il arrive à contourner ce problème. Anthony présente une hypersensibilité tactile. Anthony présente aussi de l’hypersensibilité tactile au niveau de ses mains et de son visage, comme beaucoup d’enfants avec ce problème.

⇒Pour aider Anthony, il serait utile de proposer au travers de séances de psychomotricité, diverses activités de désensibilisation combinées avec des interventions visant à garder le système d’Anthony calme afin de diminuer les réactions de défense exagérées à des stimulus inoffensifs.

    • Caroline est une fillette anxieuse. Ainsi, elle garde son système en état de stress quasi constant. Le réflexe de garde du tendon est un réflexe normal qui sert à stabiliser la personne en état de stress au niveau du pied, notamment par une contraction des mollets et des pieds. Ceci augmente la vigilance d’une personne à percevoir des menaces potentielles dans l’environnement tout en préparant sa réaction de combat ou de fuite au niveau de ses membres inférieurs. Pour Caroline, l’hyperréactivité du réflexe de garde du tendon entraine une démarche sur la pointe des pieds (tout comme si elle gardait ses jambes/pieds en constant état d’alerte).

⇒Caroline devrait travailler conjointement à diminuer l’anxiété physique dans son corps, à décoder et interpréter son environnement pour différencier les réelles sources de danger des pensées plus anxiogènes (peur d’avoir peur), à reconnaitre son anxiété et à s’équiper d’une valise de solutions pour la gérer. Ce travail peut être proposé par un psychomotricien et/ou une psychologue.

  • Quoi faire? 

  1. Tout d’abord, il ne faut pas s’inquiéter trop précocement. Les situations décrites précédemment sont des possibilités, mais ne sont pas la norme. La marche sur la pointe des pieds n’est pas anormale en soi. Il est essentiel de considérer s’il y un impact physique ou social sur les habitudes de vie avant de s’inquiéter et de considérer des interventions.

  1. En parler au médecin de l’enfant et obtenir une consultation auprès d’un professionnel vous aidera à décider quelle hypothèse vérifier en premier lieu et si des interventions plus spécifiques sont requises.

  1. Dans tous les cas, vous pouvez commencer à faire des exercices d’étirement pour prévenir le rétrécissement des muscles et des tendons permanents.

Claire Castel Turci

Psychomotricienne

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